TEMOIGNAGE: Quelles pratiques de la Pleine conscience avec les jeunes enfants en milieu scolaire? Appel à témoignage



Ce billet souhaite ici partager des expériences, des réflexions, des questionnements concernant Pleine conscience et enfance. Vos réactions, remarques, partage d’expériences seront les bienvenus, pour mettre en commun et s’enrichir mutuellement.  Vous arrive-t-il de proposer  à des enfants des pratiques adaptées de Pleine Conscience ? Qu’en pensez-vous ?

« La Pleine Conscience est l’énergie qui éclaire tout ce qui t’arrive ici et maintenant[1]. »  Elle permet de s’installer dans le moment présent, pleinement.  Unifié, le mental s’apaise.
J’enseigne en école maternelle. Les merveilleuses pratiques de la Pleine Conscience proposées au Village des Pruniers, fondé en 1982 par Thich Nhat Hanh, maître zen vietnamien, me nourrissent depuis deux ans. Le yoga traditionnel m’accompagne depuis une quinzaine d’années en pratique personnelle, depuis six ans comme professeure auprès d’adultes et d’élèves en milieu scolaire.  Mon souhait est de faciliter l’accès au yoga et aux pratiques de la Pleine conscience à de jeunes enfants, dans le respect  de leur personnalité, de leur devenir et de la laïcité.
Des activités et petits jeux suivants, trouvés ici et là dans des ouvrages (voir bibliographie) ou mis en œuvre au gré des besoins et idées, suggèrent  à l’enfant des outils et des pistes pour son bien-être, sa concentration, sa stabilité. Ils sont bien évidemment adaptés aux besoins spécifiques de l’enfant : apprendre par le jeu ; besoin de mouvement, d’espace ; alternance de moments calmes et dynamiques ; courte durée des activités, en restant à son écoute, en adaptant les activités selon sa réceptivité. Cela nécessite que l’adulte connaisse les pratiques de la Pleine Conscience pour les avoir expérimentées et vécues, afin de les restituer à sa façon sous forme ludique. Ces petits jeux, en plus de séances de yoga proprement dites,  prennent place dans le quotidien de la classe, selon les besoins et les possibilités. A chacun de se les approprier et d’accepter d’éventuels cafouillages, les séances pouvant être moins concluantes que d’autres.  Quand ils sont proposés au bon moment, ils sont très appréciés des enfants qui en redemandent !

Des petits exercices de bien-être et de concentration:
Bailler, s’étirer
Simplissimes à mettre en œuvre n’importe où et n’importe quand lorsque le besoin s’en fait sentir, mais souvent oubliés ou négligés, bâillements et étirements permettent de s’apaiser (les élèves et mais aussi la maîtresse ou le maitre si nécessaire…) et de retrouver un climat de classe de qualité.
Gonfler le ballon
Souvent réclamé par les élèves eux-mêmes : debout, on lève et ouvre les bras pour gonfler notre ballon, on s’enroule tout mou pour le dégonfler en accompagnant avec les bras…
Hum ! Je déguste
Les moments où il y a consommation de nourriture en classe sont des moments propices pour être à l’écoute de ses sensations et ressentir plaisir partagé et gratitude pour la nourriture. On observe la nourriture, on la hume, on la goûte bouchée par bouchée, on est attentif aux sensations : saveurs, textures ; on recherche les ingrédients … Des parents ont raconté que leur enfant leur apprend ensuite à la maison comment déguster !
Jeter à la poubelle
Matériel : feuilles de papier journal . Assis en cercle autour d’une caisse, déposer derrière chaque enfant volontaire une demie-feuille de journal. Chacun à son tour froisse sa feuille en formulant intérieurement (« dans sa tête ») ou à voix haute ce qui l’a embêté, puis la jette dans une grande caisse au milieu (attention, on ne jette pas une personne, mais par exemple quelque chose qu’elle a fait ! vigilance sur la formulation de ce dont on veut se débarrasser = lâcher prise).
Marcher en comptant
Sur le modèle de la marche méditative, marcher lentement « comme tel animal » en comptant jusqu’où on sait compter puis on recommence : activité très courte (nécessité de respecter le besoin de mouvement des enfants !), pour un déplacement d’un lieu à un autre par exemple.
Écouter la cloche
Matériel : un bol chantant. Écouter la cloche le plus longtemps possible : on peut s’aider en comptant mentalement (« en silence dans sa tête »), ressentir « son ballon » (respiration) qui se gonfle et se dégonfle. Idéal pour faire une pause et se recentrer.
Faire grandir ses doigts
Exercice amusant: on contracte très fort ses mains puis tout le corps, on serre très fort, puis on relâche en expirant  et en relâchant tout le corps : si les doigts n’ont pas grandi, c’est qu’on n’a pas serré assez fort… On rit bien.
Vu !
Lors d’un déplacement : observer et noter mentalement 5 éléments vus, puis les nommer ou les dessiner.
Éteindre la bougie
On mime le crac de l’allumette qui enflamme la bougie (un index). Cette bougie ne s’éteint que si on souffle longtemps et doucement… On ressent l’air expiré sur l’extrémité du doigt : c’était chaud, froid, doux ? Si on n’a pas réussi à l’éteindre, on recommence !

Autour des émotions :
Peu de place est accordée au domaine émotionnel en tant que tel en milieu scolaire, que ce soit à travers les albums mis à disposition des élèves, ou dans les pratiques de classe. Lorsqu’il en est question, c’est, au mieux pour les nommer, au pire pour les fustiger, mais jamais pour les prendre en compte en tant que telles, avec ce qu’elles génèrent de bienfaits, quand elles sont positives ; et ce qu’elles génèrent de souffrance, pour soi-même et pour les autres, quand elles sont négatives.
Les pratiques de la Pleine conscience proposent une autre approche de la vie émotionnelle, en invitant à reconnaître ce qui se passe en soi.
Les enfants sont réceptifs à une approche attentive et intériorisée d’eux-mêmes. Ils manifestent beaucoup d’intérêt pour les rares albums ou les contes et légendes racontés en classe qui  mettent en mots leurs émotions fortes. Leur est-il possible d’aller plus loin dans la prise de conscience d’eux-mêmes, de leurs émotions et la possibilité de leur « gestion » ? Suivant leur âge,  il n’est pas toujours dans leurs capacités d’analyser les racines de leurs émotions négatives (ce qui est difficile aussi pour les adultes…), ni laisser aller le ressenti, sans porter de jugement. Mais avoir fait l’expérience du calme intérieur  est une base ferme qui leur donnera peut-être un jour envie de la revivre à nouveau, en sachant qu’il existe des outils à leur disposition pour cela.

A disposition des élèves en classe :
Comment je me sens ?
Matériel : cartes des 4 « bonhommes » (type « smiley ») exprimant chacun une des quatre émotions principales : joie, peur, colère, tristesse. Les élèves qui le souhaitent peuvent placer la carte de leur prénom derrière une carte qui correspond à son ressenti  du moment.  Cette démarche libre, spontanée, sans commentaire, est très suivie. Elle peut s’accompagner d’un travail plus ciblé en petit groupe : quand ressent-on de la colère, de la tristesse ... ? Que peut-on faire pour aller mieux ? Des albums sont également un support intéressant (voir bibliographie).

Extraits pour nourrir sa réflexion :
Il y a des jeunes qui sont incapables de gérer leurs émotions fortes comme la colère, le désespoir… et ils se suicident. Ils sont convaincus que le suicide est le seul moyen pour mettre fin à leur souffrance. […] Pourtant dans les écoles, personne n’enseigne aux jeunes comment gérer une émotion.
Si nous pouvons leur montrer comment se calmer et se libérer de la pensée suicidaire, ils auront une chance de revenir à la vie et de l’embrasser à nouveau.[…]
Il faut d’abord savoir qu’une émotion est seulement une émotion, même si c’est une émotion forte. Une personne est beaucoup plus qu’une émotion. [L’émotion] vient, elle reste un moment, puis elle s’en va. Pourquoi faudrait-il mourir à cause d’une émotion ?
Ne vois-tu pas qu’une émotion est comme une tempête ? Si tu sais comment te protéger, tu seras en sécurité même au cœur d’une tempête. Une tempête peut durer une heure, quelques heures ou une journée. Si tu maîtrise la pratique [de la Pleine Conscience], tu pourras la traverser sans difficulté.
                                                                                                                             Thich Nhat Hanh – 2011

Si vous apprenez à vos enfants à reconnaître leurs émotions, à les sentir et à les supporter, vous leur procurez un apprentissage fondamental. Les émotions et les sentiments ne doivent pas être réprimés, transformés ni tout de suite exprimés. Il importe de pourvoir simplement les éprouver, leur prêter de l’attention, une attention qui soit amicale. […] Il arrive que des émotions soient difficiles à supporter, notamment à cause des pensées et des actions qui les accompagnent, mais il n’y a pas d’émotions qui soient tout à fait insupportables. Par ailleurs, une émotion vous renseigne sur ce que vous vivez, mais ne renseigne pas toujours sur la réalité. Il est important d’apprendre aux enfants ce qui suit :
-          On peut ressentir des émotions dans son corps, on peut leur accorder de l’attention jusqu’à ce qu’elles se modifient, sans pour cela se laisser entraîner par elles ou vouloir les réprimer. Il peut être utile de les traduire en mots ou de les dessiner.
-          On n’est pas ses émotions, on a des émotions. Je ressens de la tristesse, mais je ne suis pas un pleurnicheur.
-          Toutes les émotions sont naturelles, mais toutes les actions ne sont pas acceptables. On peut changer des façons d’agir, pas les sentiments.
                                                                                                                             Eline Snel – 2012

Bibliographie :
Pour les enfants :
Quelle émotion ! (Pour prendre conscience de ses émotions, les nommer ) ; Le yoga des tout-petits, Rebecca Whitford, Martina Selway, Gallimard jeunesse, 2011 (faire du yoga en jouant) et Le yoga des petits pour bien dormir, id. ; Grosse colère, Mireille d’Allencé, Ecole des Loisirs
Pour les accompagnateurs :
Relaxer les enfants à l’école maternelle, Michèle Guillaud, éditions Retz, 2004 (Des petits jeux et techniques) ; Calme et attentif comme une grenouille, Eline Snel, Editions Les Arènes, 2012


[1] Thich Nhat Hanh, Pratique de la méditation à chaque instant, Le courrier du Livre, 2011

5 commentaires:

  1. Merci infiniment Evelyne pour ce billet qui fait grandir mon soleil intérieur. J’ai eu de belles images de joie avec les enfants de mon entourage en pensant à tout ce qu’on peut faire ensemble dans la pleine conscience. Merci, Merci, Merci ! ;o) thomas

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  2. Un grand merci, je suis enseignante et je découvre depuis peu des exercices de pleine conscience. J'aimerais petit à petit enrichir ma pratique de classe de ces moyens courts et efficaces pour calmer les tensions, revenir à soi et respecter son ressenti et celui des autres. Merci de ces lumières.

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  3. http://www.inrees.com/articles/Mediter-a-l-ecole/
    Un article pour poursuivre la réflexion.

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  4. http://www.ledevoir.com/societe/sante/171526/apprendre-a-lire-a-compter-et-a-mediter
    À l'école Saint-André-Apôtre, dans l'arrondissement d'Ahuntsic à Montréal, Marthe Tremblay intègre à son enseignement quotidien de courtes séances de méditation qui aident grandement les enfants à retrouver leur calme et leur concentration.

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  5. Bonjour Evelyne,
    Ce serait intéressant qu'on puisse approfondir nos échanges. Tu peux me contacter sur ce mail : france@wakeupschools.org
    notre site : https://sites.google.com/site/wakeupschoolsfrance/home
    à bientôt, Marianne

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