TEXTE : "Jardin extérieur, Jardin intérieur' par Emmanuel Lachaume















Nous sommes en ce monde.
Nous pensons, rêvons, marchons et parlons peut être, posons des actes. Nous sommes.
Que nous soyons avocat, coach, sans domicile et sans travail,
Que nous soyons riches ou pauvres en devises monétaires,
Seuls ou très entourés,
Tristes un instant, joyeux le suivant,
Nous sommes.
Là, maintenant.
Nous sommes présents. Nous « jardinons ». 


Nous semons un sourire. Nous repiquons une colère. Nous retournons nos pensées de mille et une façons. 

Nous protégeons notre terre intérieure des assauts du gel extérieur. Nous cultivons la joie d’être. Nous arrosons, palissons, encourageons à pousser et fructifier ce que nous avons aimé voir naître en nous ;
Nous observons.

Quel genre de jardin cultivons-nous ? Comment jardinons-nous ?
Ce que nous jardinons à l’extérieur ne serait-il pas le simple reflet de ce que nous jardinons à l’intérieur ? Y a-t-il vraiment une frontière ?
N’est-ce pas là le même jardin ?

Je réalise le compost en moi-même...

Dans ce jardin planétaire, cet univers sans limite, j’ai conscience d’être là. J’ai un corps qui me donne forme. L’arbre a un corps, qui lui donne forme. La fourmi, le serpent, le nuage, la pluie, la terre, le soleil, la lave des volcans, le papillon et la marguerite sont autant de formes.

Autant d’habits différents que la Vie prend à chaque instant. La Vie s’habille et se déshabille en permanence. L’habit ne dure pas ; il se décompose pour nourrir de nouvelles formes. Sans discontinuer.

Dans un jardin d’automne, il reste bien quelques plantes sèches. La saison a généré son flot de feuilles jaunes et brunes. Les plantes ayant donné leurs fruits d’été, leurs formes se sont ensuite asséchées. Ce qui est sec retourne à la vie du sol.

Au bord de mon jardin, ou sur un coin de mon balcon, je peux mélanger ce qui est sec et ce qui est encore frais : mes épluchures, les quelques herbes folles que j’ai choisi de retirer. Ce qui est frais fait alliance avec ce qui est sec.

En moi, je peux observer ce qui est sec : mes comportements anciens répétés, mes tendances au renoncement, ma froideur, mes découragements...toutes les attitudes que j’ai observées et que j’ai réitérées, malgré moi.

Je vois aussi ce qui me rafraîchit : un sourire, un chant, une danse, un regard aimant, ma tendresse pour le monde, ma joie d’accueillir le soleil du matin comme la présence d’un enfant...

La fraicheur côtoie la sécheresse. L’une ne va pas sans l’autre. Elles inter-existent. Mon cœur connaît l’une comme l’autre. La plante elle-même est fraîche avant de pouvoir sécher. Je ne suis pas différent.

Point d’aridité si la source n’existait en profondeur.

Au quotidien, je peux rassembler le fagot de mes sécheresses. Je peux poser dessus un regard frais. Donner à mes découragements un regard aimant et souriant. Juste essayer, juste esquisser. Chaque jour.

La matière se transforme. J’établis le compost en moi-même. J’apprends. Je me renouvelle patiemment.

Quel genre de jardinier sommes-nous ?

Avons-nous besoin de découvrir le sol, de retirer toute herbe spontanée ? 
Observons-nous et entendons-nous la nature sauvage ? 
Avons-nous besoin de retourner la terre ?
La touchons-nous simplement ? 
Cultivons-nous pour recueillir l’intégralité de la récolte ? 
Redonnons-nous à la terre tout ce que nous ne mangeons pas ?

Couvrons-nous de soins la terre comme elle-même nous comble de soins ? Que fais-je à l’extérieur qui parle de mon intérieur ?

Ma peur de ne pas manger, de ne pas avoir assez. Mon besoin de sécurité, d’être sûr. Où me conduisent-ils ?

Que deviennent ma confiance, mon regard tranquille, l’aléa, le changement permanent, le risque ?

Tant de lieux sont marqués par la peur, le froid, la faim. A l’extérieur et à l’intérieur.

Quel jardinier suis-je au quotidien ? Cela m’est-il difficile de regarder ceux qui ont froid, ceux qui ont peur et ceux qui ont faim autour de moi et en moi ?

Les visages qui ont froids ne sont-ils ces visages de moi qui ont froid ? 
Les regards qui ont faim ne sont-ils les regards qui en moi ont faim ?
Un enfant qui a peur, n’est-ce pas mon enfant intérieur pris par la peur ? 
Où est la frontière ?

Les jardins sont sans frontières.

Entre le mien et le tien, il n’y a que les clôtures que j’ai besoin de dresser pour me protéger. Et je peux avoir besoin de me protéger.

Mais fondamentalement, je peux sans doute me voir en toi et te voir en moi. Nos jardins se reflètent l’un dans l’autre.

J’ai besoin d’apprendre et d’ajuster mon regard.

Ce qui vient te réchauffer me réchauffe. Ce qui vient t’aimer vient m’aimer.

A la lumière de Noël et de la nouvelle année, que la joie profonde des jardins intérieurs vienne réchauffer ce qui est sec à l’extérieur. Que la joie partagée à l’extérieur vienne réchauffer les sécheresses intérieures.

Nous sommes jardiniers ici et maintenant. Comment jardinons-nous ?

Emmanuel est jardinier. A l’extérieur et à l’intérieur. 
Et jardinant ...accompagne celles et ceux qui jardinent...


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